Le prix commémoratif Marjorie E. Peale
Grégory Lobes
Énergie noire
S'agenouiller me rapproche
au parfum de coupe
appât et sel
et la boue noire sur mes doigts.
Je lève les yeux pour observer la silhouette d'un ami.
Il a donné sa couleur au soleil couchant.
Jusqu'aux hanches dans la marée montante,
jusqu'aux épaules dans les roseaux vert doré
qui flottent du rivage comme une effervescence,
furtif et d'apparence dangereuse,
il jette l'arc de son fil barbelé
et regarde avec la vision stable d'un prédateur.
C'est le mouvement de la vie,
l'herbe d'avoine s'inclinant dans la brise du soir,
la dérive des oiseaux de rivage appelant à travers la baie,
rabat coriace et plongeon d'un pélican.
La vie tourbillonnant sous les eaux polies,
la vie qui trouble la surface,
la vie qui effleure le ciel pastel,
vie de la taille d'une particule
visible uniquement dans l'ensemble,
rubans verts brillants de boue
couché dans la boue,
la vie qui rampe,
la vie qui s'accroche,
la vie qui grouille.
Vie immobile,
latente, comme celle d'un alligator
forme figée cuite dans la boue
de la rive du ruisseau sur lequel il se rassemble
le dernier soleil de l'après-midi.
Des roseaux étincelants aux poils boueux.
La vie débite son chœur sans fin,
un million de morts, un milliard de naissances.
Couleurs de feu à couleur de cendre.
C'est la mosaïque de toutes les couleurs,
se fondre dans une tonalité universelle.